lundi 8 août 2011

Renversé aux framboises


1. La cueillette

Depuis la mi-juillet, les framboises semblent se multiplier au fil de mes cueillettes, pourtant relativement rapprochées.

Vaguement coupable après une absence de deux jours (surtout après que l'Être Aimé m'eût rappelé au départ qu'il "faudra les cueillir dès le retour pour ne pas les perdre"), j'ai rassemblé courage et contenant de plastique, et me suis vaillamment mis au travail. (J'aurai eu soin d'avoir sur moi mon smartphone, ce qui m'obligera à quelques pauses savamment planifiées. Par exemple, un retour d'appel de mon accordeur de piano, quelques textos auxquels la politesse la plus élémentaire m'oblige à répondre sans délai, un soudain intérêt pour la valeur nutritionnelle desdites framboises, dont j'apprendrai en "googlant"--toujours sur mon smartphone--que):

"framboises et mûres se déclinent en plusieurs couleurs, grosseurs, textures et saveurs. Leur forte teneur en antioxydants contribue à prévenir les maladies cardiovasculaires, les cancers et diverses maladies chroniques"(...)

Rassuré sur l'incidence de ma cueillette sur mon espérance de vie, (antioxydants et exercice physique confondus), j'ignore mon smartphone pour quelques minutes, et j'arrive à remplir la moitié de mon contenant (somme toute assez volumineux).

Soucieux de pas gaspiller un fruit aussi bénéfique pour la santé, je pense tout à coup à la recette de gâteau renversé aux framboises que ma belle-mère Mona m'a fait parvenir par courriel, et je la révise (toujours sur mon smartphone) tout en récupérant de ma cueillette (après une baignade qui aura atténué les démangeaisons provoquées par les piqûres de moustiques).

2. La recette

On aura eu soin de mettre deux casseaux de framboises (l'équivalent de 45 minutes de cueillette à un rythme nonchalamment frénétique) dans un moule en pyrex de 8 x 13 pouces, que l'on saupoudre avec 1/4 de tasse de sucre (un peu plus si on est un peu déprimé, un peu moins si on prend du Ritalin).

On met de côté, sans toutefois oublier complètement.

Après une petite pause (que l'on peut consacrer à la visite de sa page facebook, à démarrer une brassée de lavage ou encore à jouer un Prélude de Debussy), on pourra procéder à la préparation de la pâte à gâteau.

Dans un grand bol (on comprendra par la suite pourquoi), on aura fait ramollir du beurre, "gros comme un oeuf", auquel on ajoutera un oeuf battu. Si on tient à optimiser sa force musculaire et son cardio, on battra le tout manuellement au fouet, jusqu'à obtention d'une texture veloutée et homogène. (Ça correspond habituellement au moment où on n'en peut plus).

À ce mélange à la texture de rêve, on ajoutera une demi-tasse de sucre (en oblitérant furtivement le dernier chapitre de La mort lente par le sucre de Jean Paul Du Ruisseau), et on mélangera encore, si on survit.

La planification étant un gage de succès, on aura pris soin de tamiser dans un bol moyen, 1 cuillerée à thé de poudre à pâte avec une tasse de farine. Dans une tasse à mesurer qui traîne un peu plus loin sur le comptoir, on aura soigneusement mesuré une demi-tasse de lait, et on y rajoutera d'un geste expert un soupçon de vanille.

Si vous êtes capable de repérer le grand bol du début (qui devrait toujours contenir beurre, oeufs et sucre) dans le capharnaüm de votre cuisine, toutes mes félicitations.

Nous voici à une étape cruciale de la confection du gâteau. Notons bien ceci: on ajoute (dans le grand bol du début dont on saisit maintenant le pourquoi) le mélange de farine, en alternant avec le lait. Ma mère procédait comme suit: farine-lait-farine-lait-farine. "On commence et on finit par les ingrédients secs". Et à chaque addition, on brasse, mais sans tourner ("il faut plier la pâte", disait-elle, et sa voix résonne encore dans ma tête, près d'un demi-siècle plus tard).

En principe à cette étape, on aimerait bien une pause, mais il nous faudra attendre encore un peu.

On est maintenant prêt à verser la pâte sur les framboises, en ayant soin de bien couvrir tous les fruits. Généralement, si on n'a pas trop mangé de pâte en cours de route, il devrait y en avoir assez, et on peut toujours l'étaler avec un couteau, ça aide.

Le four préalablement chauffé à 350 degrés sera en état de recevoir notre gâteau, et on l'y laisse dorer environ 40 minutes, sans crème à bronzer. Généralement, on dit que le gâteau est cuit si un couteau en ressort propre. Mais plusieurs conditions s'appliquent: primo, le couteau ne doit pas être planté dans le gâteau pendant la cuisson; secundo, le couteau doit être propre au moment de percer le dessus du gâteau. Tertio, même si votre couteau en ressort propre, lavez-le tout de même, vos invités vous en sauront gré.

On est prêt pour la pause (la vaisselle attendra).

On suggère un verre de vin blanc, par exemple. (Le Wolf Blass Yellow Label Chardonnay 2006 d'Australie serait intéressant, mais vu son prix un peu élevé, on conseille le Barefoot California, Pinot Grigio 2008, nettement moins dispendieux).

Après votre verre de vin blanc et quelques chapitres de votre roman en cours (dans mon cas, "Le jeu de l'ange" de Carlos Ruiz Zafon, excellente suggestion de mon ami Bruno), le gâteau sera bien refroidi. Il faut alors prendre son courage à deux mains, passer un couteau (propre) le long de la paroi intérieure du moule, mettre une grande assiette sur le moule, tenir le tout à deux mains, et faire culbuter le moule de telle sorte que l'assiette se trouvera maintenant sur le comptoir. En principe, on pourra observer (via le moule en pyrex) le gâteau obéir aux lois de la gravité. Sinon, on frappera le moule (sans le casser), et on espérera. Si le gâteau ne quitte pas le moule malgré toutes ces tentatives, c'est généralement parce que vous n'êtes pas chanceux.

Avec crème glacée, fouettée ou toute autre garniture, on déguste et on aime, tout en lisant les articles sur les bienfaits des petits fruits.

La semaine prochaine, ce sera déjà le temps des mûres.


2 commentaires:

Thierry a dit…

Lire la recette est un pur délice en soi ☺️

Mikaelus a dit…

Merci ☺️