jeudi 1 janvier 2015

Adieu 2014, Bienvenue 2015!




Elle a accueilli de nombreuses réalisations, des joies et des peines, des moments forts, de tendres et douces journées, des moments de pure joie et aussi de noirs découragements...Elle a endossé de multiples visages, des habits parfois scintillants, parfois sombres et gris. Elle a été la toile de fond de ma vie pendant 365 fois vingt-quatre heures...De nombreuses amitiés se sont nouées, de nouveaux êtres font partie de ma vie, d'autres sont partis...

Elle fait maintenant place à de nouveaux espoirs, une nouvelle aventure, de nouvelles explorations, de nouvelles découvertes, de nouvelles résolutions, aspirations et projets. 

Page encore vierge de milliards d'histoires de vie, trame qui s'invente au rythme de moments présents qui se juxtaposent trop rapidement.

La vie continue, fil qui tisse une étoffe  que notre sens de l'architecture et du cloisonnement nous fait diviser en heures, en jours, en mois, en années...Nécessaires divisions pour tenter de comprendre ce mystère qu'est la vie, pour mieux en cerner les repères...Nécessaires chapitres et incontournables étapes pour faire des bilans, se renouveler, avoir le sentiment de tous les recommencements et tous les possibles...

Adieu 2014.

Bienvenue 2015!

samedi 5 juillet 2014

Juillet, le matin

La nuit a été fraîche. Les ombres de la forêt se sont dissipées dans une brume matinale, chassées poliment par un soleil de juillet qui s'impose.

Café fraîchement moulu qui répand son arôme en contrepoint avec le parfum de la nature qui s'éveille, en filigrane avec le chant des oiseaux...

Bruissement léger des feuilles qui oscillent timidement dans la lumière naissante, souffle d'air qui s'invite par la porte entrouverte...Un rayon de lumière s'infiltre, éclaboussant deux coupes de vin abandonnées la veille sur la table, souvenirs d'une conversation nocturne...

Dans quelques heures ce sera le zénith, la chaleur reprendra ses droits, la maison bourdonnera d'activité.

Instant de bonheur estival saisi à l'aube d'un matin d'été...

Bon samedi.

vendredi 30 août 2013

Blog-Berry, ou la tarte aux bleuets du Lac St-Jean

La journée pourrait avoir commencé comme suit.

- L'Être Aimé: "...si on fait pas kekchose avec les bleuets aujourd'hui, on va les perdre."

- Moi (avec une nonchalance un peu étudiée): "Haaa....j'avais justement planifié de faire une tarte aujourd'hui, après avoir fini de couper le gazon..." Histoire de lui montrer que je n'ai pas juste ça à faire, des tartes.

Voici donc la recette de cette fameuse tarte aux bleuets. Il faut dire qu'ils ont été cueillis autour de St-Félicien par Jako et Catherine, et qu'ils nous les ont généreusement offerts lors de leur dernière visite.

1- Prenez un bon café, entamez votre journée, coupez votre gazon, faites l'épicerie et prenez ensuite une demi-journée de congé, de préférence par temps gris avec apparence de pluie. (De cette façon vous ne succomberez pas à la tentation de lézarder au soleil et provoquer ainsi la moisissure des bleuets du Lac St-Jean).

2- Prenez votre courage à deux mains et commencez.

3- Au son du 'bip' de votre téléphone qui vous avertit que votre adversaire vient de jouer 39 points sur 'Angry Words', prenez une minute et jouez 63 points.

4- Lisez la recette de pâte à tarte de votre mère (je ne partage pas la mienne, car tout le monde a une mère dont la "croûte-à-tarte-est-la-meilleure-et-la-plus-feuilletée-et-que-jamais-personne-blabla...etc."

Ma mère ne fait pas exception.

5- Jouez 32 points contre un autre adversaire sur 'Angry Words', et vérifiez vos courriels.

6- Ayez soin d'avoir préalablement réuni sur le comptoir: farine, rouleau à pâte, shortening, eau, sel; soyez assuré(e) d'avoir-tout aussi préalablement-chauffé le four à 425 degrés. Sinon, vous devrez déambuler avec les mains enfarinées, ce qui provoquera une tempête de farine dans la cuisine (que l'Être Aimé a passé une demi-journée à nettoyer pendant que vous coupiez le gazon), alors que vous tenterez d'ouvrir un tiroir avec votre pied chaussé de gougounes, et graisserez la surface de votre cuisinière en stainless, en essayant sans succès de démarrer le four avec l'ongle de votre auriculaire droit.

7- Si votre pâte est granuleuse ou adhère sur toutes les surfaces imaginables, y compris vos mains, ne perdez pas espoir. Refaites une petite boule et recommencez jusqu'à la consistance souhaitée. Le bon sens dicte de rajouter de la farine ou de l'eau, selon le résultat souhaité. 

Roulez vos abaisses avec conviction, très groundé, avec la certitude que tout va s'arranger.

8- Regardez votre fil d'actualités Facebook et faites quelques 'like', histoire de s'assurer de votre visibilité, et ainsi avoir la chance de récolter quelques 'like' de plus sur vos propres publications à venir. Jouez 25 points sur 'Angry Words'.

9- Vous aurez bien sûr pensé à laver les bleuets, environ 4 tasses, et les mélanger à une demi-tasse de sucre et un peu de farine. Si comme moi vous avez oublié ce matin d'acheter du sucre, vous aurez la chance que l'Être Aimé, plus que prévoyant,  ait gardé dans un petit contenant plein de petits sachets de sucre 'Tim Horton', que vous ouvrirez au-dessus de votre bol de bleuets, avec un intense soulagement, bien que la tendance soit au 'moins de sucre'. C'est pas obligé, d'être tendance.

10- Déposer les bleuets sur votre abaisse (morceau de pâte que l'on a étalé pour en garnir un moule), et couvrir avec une autre abaisse (autre morceau de pâte que l'on a étalé pour en garnir un moule). Prenez soin de ménager quelques petites ouvertures dans l'abaisse supérieure, afin que la vapeur puissse s'en échapper. (Si vous oubliez, ce n'est pas grave, car tout comme moi la pâte sera de toute façon pleine de trous, et le défi sera plutôt d'en boucher toutes les issues pour éviter un débordement 'intra-four'.) Badigeonner le dessus de votre tarte avec du lait (et vos doigts), un peu comme lorsque vous allez au soleil et vous enduisez de crème solaire. De toute façon, c'est pour donner à la tarte des reflets bronzés. Tant qu'à y être, saupoudrez un autre sachet de sucre 'Tim Hortons', juste pour l'agrément.

11- Il vous restera sans doute des bleuets qui n'entreront pas dans la tarte. 

Prenez une casserole, mettez les bleuets résiduels dedans, faites chauffer à feu doux pour 10 minutes, et demain matin vous aurez de la confiture de bleuets sur vos toasts. Et un chaudron de plus à laver.

12- Si votre Être Aimé entre à ce moment dans la cuisine et vous regarde vous battre avec la pâte, ne pétez pas votre coche et faites comme si vous ne l'aviez pas vu. Simulez une concentration extrême.

13- Votre four étant prêt depuis longtemps, et vous à bout de patience, crissez le tout dans le four en prenant soin a) de mettre une grande assiette à pizza recouverte de papier d'aluminium sous votre assiette à tarte, au cas où l'excédent de bleuets se mettrait à dégouliner dans votre four fraîchement nettoyé; b) ne pas oublier la foutue minuterie pour éviter que votre tarte ne crame ni ne carbonise, car à ce stade, vous ne pensez plus à rien, trop occupé à nettoyer la zone sinistrée qu'est devenue votre cuisine.

14- À ce stade, la minuterie du four devrait sonner au moment même où vous fléchissez les genoux pour vous asseoir, épuisé. 

15- Vaillamment, levez-vous, faites quelques étirements et sortez votre tarte du four.

Tout est parfait. 

Et vous avez sauvé les bleuets avant de les perdre.



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vendredi 23 août 2013

Simplicité volontaire?

Si j'ai vécu la plus grande partie de ma vie dans une abondance dont je m'estime assez privilégié, je dois dire que les quelques périodes plus frugales de 'simplicité' que j'ai vécues ont été plutôt...involontaires.

Bien que pas gaspilleur, je suis cependant assez peu enclin à la restriction spontanée. J'avoue bien volontiers préférer une journée dans un cinq étoiles, que cinq jours dans un une étoile. Ma maison pourrait loger aisément quelques personnes supplémentaires sans que le besoin d'espace individuel n'en souffre, et je conduis une voiture allemande dont le plus grand mérite n'est certes pas l'économie d'essence et la contribution à l'écologie. Et je fréquente à l'occasion les cinq étoiles. Et je préfère le Cru Bourgeois au vin de dépanneur.

Bref.

Il y a de cela quelques années, j'étais en compagnie d'une joyeuse bande d'amis, sur le bord d'un lac bordé de propriétés dont le standing dénotait un manque de simplicité bien volontaire. Nous étions donc paresseusement installés, chacun ayant son cellulaire 'up-to-date' en main, à discuter de l'endroit où passer l'hiver (serait-ce mieux en Australie, passablement lointaine,  ou alors quelqu'île dans les Caraïbes, ce qui permettrait de revenir plus facilement au Canada si la température devenait subitement assez clémente pour profiter de quelques jours de ski, ou alors des mérites de certains placements versus l'investissement dans l'immobilier dans le moyen terme...Il faut dire que le champagne aidant, les langues se délient. 

Surtout sous un soleil radieux.

La conversation a vite bifurqué sur le concept de 'simplicité volontaire', auquel mes amis et moi avouions en toute candeur en vanter les mérites et en être des adeptes convaincus. 

L'alcool peut altérer le jugement, semble-t-il.

Jusqu'à ce que l'un d'entre nous, dans un éclair de lucidité, ne s'exclame: 'Non mais nous entendez-vous parler?? Simplicité volontaire, HELLO?? On vit comme des millionnaires!"

On a tous éclaté de rire en choeur de l'incongruité flagrante de nos propos, somme toute assez contradictoires mais surtout inconscients.

Tare de baby boomer? Pas certain.

Plus récemment, une connaissance dans la jeune trentaine me demande d'aller la chercher et la reconduire chez elle, ce qui représente pour moi une promenade de 300 kilomètres et plusieurs heures sur l'autoroute 15...et quelques litres d'essence.

...

Offusquée de mon refus, elle m'explique qu'elle n'a pas de voiture 'parce qu'elle choisit de vivre selon le principe de simplicité volontaire et de conscience de l'écologie (principes louables en soi), mais qu'il est hors de question pour elle d'utiliser les transports en commun parce que son temps est trop précieux'.

ET LE MIEN, MON TEMPS?? 

Principes louables, mais l'application l'est-elle autant? Cette simplicité volontaire annoncée est-elle tributaire des ressources de personnes moins conscientisées comme moi? La pensée écologique s'estompe-t-elle lorsqu'une menace au confort de l'ego, si petite soit-elle, devient concrète?

La 'simplicité volontaire' serait-elle, comme l'a si bien souligné Douglas Coupland dans son essai 'Génération X', une sorte de "minimalisme voyant, la non-possession (réelle ou illusoire) de biens matériels étant un critère de supériorité morale ou intellectuelle"?

Entre l'image qu'on a de certains  aspects de nous même et les actes que nous posons dans notre vie, sommes-nous conséquents? Sommes-nous aussi contradictoires et illogiques dans la façon dont nous gérons nos relations, notre vie?

Oscar Wilde disait que l'"on commence par se tromper soi-même; ensuite on trompe les autres."

Se dire la vérité à soi-même, c'est peut-être un premier pas vers l'intégrité?

Et non, je ne pratique pas la simplicité volontaire. 

Et ce, bien volontairement.

mardi 5 mars 2013

...Cancelled...





Samedi 2 mars, 15h50, Aéroport de Toronto

Agent de bord: Bonjour Madame, dans quelle rangée êtes-vous?
La Madame: Twenty and higher.
Agent de bord: .....

La Madame: On peut-tu aller faire pepi avant que l'avion s'en aille? (SVP dites 'oui', c'est peut-être à notre avantage...)
Agent de bord: Pardon?

Euh...

...Assis au siège 26D du vol 418 qui me ramènera à Montréal, je me remémore les dernières 48 heures de ce mémorable séjour à Terre-Neuve.

Jeudi soir 28 février, chambre d'hôtel, bagages complétés, prêt à partir demain matin 5 heures.

Sur l'écran de mon ordinateur, un mot brille en lettres rouges sur le site web d'Air Canada: "Cancelled". Un peu plus pis ça clignote.

"Appelez le service des réservations au 1-888-vousêtespasprêtsdenousrejoindrebonnechance".

Vendredi 1er mars 12h15 AM: Au téléphone. Une voix masculine de vendeur de char me vante à répétition selon un rythme minutieusement orchestré,  les nombreux mérites et succès d'Air Canada, avec un fond musical qui me donne plutôt envie de s'enfuir en courant. Mon appareil m'informera que j'aurai été pendu au téléphone pendant 2 heures et 8 minutes exactement.

Vers la fin de ces 2 heures huit minutes, un agent me confirme fort gentiment qu'une place m'est réservée sur un vol direct St-John's/Montréal samedi matin. Impeccable ou presque. Je peux donc retourner dormir, et profiterai d'une journée de congé impromptue. Je tombe de sommeil.

2h30 AM: J'avise l'Être Aimé (ça fait longtemps qu'on n'en a pas parlé de celui-là) de cet état de fait, et il me rétorque un peu sèchement (c'est quand même rare, heureusement) qu'il dormait et qu'il n'est pas trop content de cette situation. (Ce malentendu sera réglé ultérieurement en des termes qui demeurent confidentiels).

 Clac! (Bruit du désuet récepteur du téléphone de l'hôtel que je remets brutalement sur son socle).

Vivement le sommeil. 

5h00AM: Drelin, Drelin! (Sonnerie du désuet téléphone de l'hôtel)

Moi: (brumeux et ensommeillé): Allô?
Téléphone: This is your wake-up call...

Un crétin a oublié d'annuler mon wake-up call.

Pour le sommeil, on repassera.

5h30 AM: j'ai faim,  je n'arrive pas à dormir. Deux options s'offrent à moi: les machines distributrices au 4e étage, ou le "Celtic Hearth", un pub ouvert 24 heures à quelques vingt minutes de marche de mon hôtel. Aussi bien y aller, je dormirai après puisqu'aucune obligation ne m'arrachera au lit aujourd'hui.
Seul client dans le pub, j'avale mon déjeuner mais ne digère pas trop la note de 18$ des oeufs-bacon-café-non-inclus. On est encore contraints à la carte 'menus de nuit', et la politique 'prix normaux' ne commence qu'à 7 heures...

7h00 AM: maintenant que je peux dormir, le sommeil me fuit comme la peste.

8h00 AM: Idem

11h00 AM: sous la suggestion de ma fille, voyageuse aguerrie, je profiterai à plein de cette parenthèse imprévue à St-John's, et décide de louer une auto pour explorer les environs. D'ailleurs, un timide soleil perce à travers l'écran brumeux digne d'une toile impressionniste. Sitôt décidé, sitôt fait.

12h15 PM: Aussitôt que je prends le volant de la Sentra de location, une chape de brouillard tombe sur le décor ambiant. Bon. C'est l'heure du lunch, pourquoi ne pas en profiter et visiter cette charmante pizzeria aperçue au centre-ville? Absolument charmant et délicieux. Sauf le ticket de stationnement que je retrouve sur mon pare-brise. Je me croyais samedi, mais le parcomètre (et le policier) savaient, eux, que c'était vendredi.

Inflexible dans mes projets touristiques, je monte tout de même à Cape Spear (Cap d'Espoir). C'est tout de même impressionnant de se retrouver à l'endroit le plus à l'est en Amérique du Nord, mais de ne rien voir, ou presque. Je devine un paysage assez spectaculaire. Mais ça prend beaucoup d'imagination. Sous une pluie torrentielle, je prends quelques photos dans des petits villages aux noms aussi pittoresques que Maddox Cove, Petty Harbour et Quidi Vidi.

À mon retour, j'apprends que mon vol du lendemain matin "is cancelled", et que je dois encore composer le 1-888-commenceàêtrepuscapable. De plus, on prend la peine de m'aviser que "le temps d'attente excède une heure, et que les places disponibles sont extrêmement limitées". Je m'arme de patience et deux heures plus tard, je déclare forfait et décide d'aller manger au restaurant de l'hôtel avec deux collègues d'infortune qui se sont rendues à l'aéroport aujourd'hui, et dont le vol a été cancelled because of the fog.

Le sommeil m'interpelle assez brutalement, je décide donc de dormir et de régler mon cadran à 2h45 AM pour un appel nocturne au centre de réservations.

Samedi 2 mars 2h45 AM: 1-888-sortezmoidicitte, prise 3.  À 1600 km de moi, j'ai l'entière collaboration de l'Être Aimé qui, fort collaborant et sympathique à ma cause, appelle lui aussi au centre. Au moins, si je m'endors au bout du fil, j'ai un back-up.

5h55 AM: "Bonjour, que puis-je faire pour vous?" (Kessé ke t'en penses, le clown???) 
Contre toute attente, j'aurai une place sur le vol de midi, dans exactement 6h05 minutes.

10h05 AM, Aéroport de St-John's: Bagages enregistrés, auto de location remise, je termine un café en me disant que je me sens très léger...Très léger....

...Tellement léger que je réalise que j'ai oublié mon ordinateur portable dans ma chambre d'hôtel...My mind is fogged, je suis sensible à l'environnement....

Heureusement, le personnel de l'hôtel attend déjà mon appel, et un taxi est déjà en route pour me le rapporter.

Beautiful people of Newfoundland, you are amazing and unique!



















lundi 22 octobre 2012

Départ




La journée avait été passablement longue.

Louis et moi, on a avalé 700 kilomètres, quelques cafés tièdes et une foule de merdes en moins de 12 heures.

Il est largement passé minuit, et le skyline de Montréal vu du pont Champlain promet un retour  à la maison dans moins d’une heure.

Comme un flash, un texto aussi bref qu’imprévisible informe Louis qu’une vieille amie vit ses derniers instants dans un hôpital de Montréal, dans la solitude et la détresse la plus absolue.

Hasard ou pas, on n’est pas bien loin.

L’itinéraire prévu vers la maison bifurque et s’arrête dans une minuscule chambre d’hôpital. La lumière est brunâtre et donne à la pièce une allure de prison nazie. Un rideau vert sépare deux agonisantes qui partagent cet espace froid et stérile.

Recroquevillée, G. respire péniblement sous une mince couverture de flanelle qui peine à recouvrir son corps en train de s’effacer.

Son souffle est court et irrégulier. De temps en temps, un râle s’échappe, comme un coup de klaxon avant le crash final.

Je prends doucement la main de mon amour, et la glisse dans la main de sa vieille amie. À travers nos larmes, on la voit ouvrir doucement les yeux. Si doucement. Elle a de si beaux yeux, la belle dame.

Peut-être qu’elle aimerait entendre de la musique. C’était ça, sa vie.

Bach, Debussy, Henri Salvador, Frida Boccara, Mozart s’échappent de nos iPhone simplement posés sur son oreiller. Puis, sa chanson. Celle qu’elle a écrite il y a un peu moins de deux ans... Pianissimo, pianissimo…Un hymne à sa fin de vie, une mélodie simple et déchirante dans cette nuit irréelle. Que c’est beau!

Une fois, je lui prends la main, je lui caresse doucement la tête. Une bouffée d’énergie traverse mon corps, je me sens enveloppé d’un amour tellement grand, tellement absolu que j’en suis presque effrayé. Je regarde mon amour, il comprend tout. Il fait partie de ce tout.

Merci, belle et noble dame. Cette nuit-là, vous m’avez donné un cadeau inestimable. Une leçon d’amour et d’humilité. Vous aurez enseigné jusqu’au bout de votre vie.

Quelques heures plus tard, elle a cessé d’exister.

  


dimanche 4 mars 2012

L'expression de soi

Ils avaient entre onze et quatorze ans. Une quarantaine de jeunes pianistes, la plupart dans leur uniforme scolaire, dépouillés de tout artifice. 

À travers une courte Sonate de Domenico Scarlatti, ils ont profondément touché mon âme. La concentration pure de l'effort et du don de soi donnait à leur visage une beauté presque surréelle, poignante. 

Ils ont capté l'essence même de l'art, la vraie nature de la musique, jusque dans l'imperfection de leur jeu.

On dit souvent d'eux qu'ils jouent sans émotion, qu'ils ne ressentent pas la musique occidentale.

"On nous apprend très jeunes qu'il ne faut jamais montrer nos émotions", m'avait glissé quelques jours auparavant mon assistante Jessica, une jolie femme aux cheveux de jais.

Ce moment de grâce me laisse plutôt croire que c'est en transcendant l'émotion que l'on arrive le mieux à exprimer la musique. 

Sans la barrière de l'ego.

J'ai passé depuis longtemps l'âge des certitudes. Je doute souvent.

Mais ce soir-là, la magie palpable a touché mon âme, a mouillé mes yeux et m'a fait réaliser que d'un côté ou de l'autre de la planète, on est tous pareils.

Aussi uniques les uns que les autres.

Il y a des moments qui nous font sentir privilégiés d'être en vie.