lundi 22 octobre 2012

Départ




La journée avait été passablement longue.

Louis et moi, on a avalé 700 kilomètres, quelques cafés tièdes et une foule de merdes en moins de 12 heures.

Il est largement passé minuit, et le skyline de Montréal vu du pont Champlain promet un retour  à la maison dans moins d’une heure.

Comme un flash, un texto aussi bref qu’imprévisible informe Louis qu’une vieille amie vit ses derniers instants dans un hôpital de Montréal, dans la solitude et la détresse la plus absolue.

Hasard ou pas, on n’est pas bien loin.

L’itinéraire prévu vers la maison bifurque et s’arrête dans une minuscule chambre d’hôpital. La lumière est brunâtre et donne à la pièce une allure de prison nazie. Un rideau vert sépare deux agonisantes qui partagent cet espace froid et stérile.

Recroquevillée, G. respire péniblement sous une mince couverture de flanelle qui peine à recouvrir son corps en train de s’effacer.

Son souffle est court et irrégulier. De temps en temps, un râle s’échappe, comme un coup de klaxon avant le crash final.

Je prends doucement la main de mon amour, et la glisse dans la main de sa vieille amie. À travers nos larmes, on la voit ouvrir doucement les yeux. Si doucement. Elle a de si beaux yeux, la belle dame.

Peut-être qu’elle aimerait entendre de la musique. C’était ça, sa vie.

Bach, Debussy, Henri Salvador, Frida Boccara, Mozart s’échappent de nos iPhone simplement posés sur son oreiller. Puis, sa chanson. Celle qu’elle a écrite il y a un peu moins de deux ans... Pianissimo, pianissimo…Un hymne à sa fin de vie, une mélodie simple et déchirante dans cette nuit irréelle. Que c’est beau!

Une fois, je lui prends la main, je lui caresse doucement la tête. Une bouffée d’énergie traverse mon corps, je me sens enveloppé d’un amour tellement grand, tellement absolu que j’en suis presque effrayé. Je regarde mon amour, il comprend tout. Il fait partie de ce tout.

Merci, belle et noble dame. Cette nuit-là, vous m’avez donné un cadeau inestimable. Une leçon d’amour et d’humilité. Vous aurez enseigné jusqu’au bout de votre vie.

Quelques heures plus tard, elle a cessé d’exister.