samedi 30 juillet 2011

Improvisations


Entre les Préludes de Debussy et quelques-unes des Variations Goldberg que je travaille (plutôt tièdement il faut dire) ces temps-ci (un peu de vacances, quand même, et la cueillette des framboises ne peut pas vraiment attendre), il m'arrive de m'épivarder (comme l'aurait dit ma mère) et de tenter quelques incursions dans le domaine de l'improvisation. Pour le classicaly trained nerd que je suis depuis maintenant plus de quarante-cinq ans (aïe aïe aïe), j'avoue que cette expérience me plaît beaucoup, malgré des débuts quelque peu cahotiques. D'abord furtivement, timidement, je tente quelques accords, que je m'empresse de passer à la moulinette de mon implacable jugement de pianiste et pédagogue aguerri...(ça n'a pas de substance, c'est n'importe quoi, tu imites qui là? ça déjà été fait, et cent fois mieux que tu ne peux le faire,) et autres joyeusetés aussi encourageantes et positives.

Bon.

Je passe le cap de l'auto flagellation et...je commence à y prendre plaisir. Je laisse aller mes doigts, je ferme les yeux (de toute façon je joue toujours les yeux fermés) et mon cerveau déclare miraculeusement forfait pour simplement...être, exister, faire de la musique, vivre le moment présent...Surmonter les barrières inventées, me surprendre moi-même et emprunter des chemins moins fréquentés...Ne pas tout prévoir...J'aime assez l'expérience pour que naisse le désir de recommencer...

Pour venir à bout de l’auto-jugement, c’est incontournable !

vendredi 29 juillet 2011

Café Viva


C'est un lieu de rendez-vous, dans une ville dépourvue de centre.

On aime s'y retrouver après une journée de boulot. Et même parfois, pour clore une journée sans boulot.

Le décor est moderne, les vastes baies vitrées s'ouvrent sur une terrasse en "L" qui donne sur un charmant espace jardin-bar, comme on en retrouve parfois dans les 'all-inclusive' des Caraïbes. L'autre côté du "L" donne sur la 117, mais on oublie bien vite le bruit du trafic. (Par exemple, on se concentre sur l'être aimé qui nous accompagne, ou encore, dans le cas où notre compagnon de repas serait moins captivant et moins coloré, on peut dévier notre attention sur une assiette généralement présentée avec beaucoup d'élégance, ou espionner du coin de l'oeil ses voisins de table, et taper leurs conversations intimes).

Un petit raté à l'accueil, qui donne lieu à un léger moment de tension (je pompe relativement vite quand on me propose obséquieusement la table la plus loser en me faisant sentir coupable de n'être pas dupe).

L'incident est vite réglé, ma tension artérielle redevient normale et mon pouls plus régulier.

Le souper sera agréable.

Une appétissante odeur de grillade venant du coin-bar accompagne délicieusement le repas en plein air. On déguste lentement, en faisant le bilan de nos journées respectives. Le serveur connu nous salue aimablement au passage.

Un couple qui semble tout juste sorti d'un épisode de Beautés désespérées fait une entrée remarquée sur la terrasse. Elle, chaussée de stilettos jaunes et parée d'une robe plutôt compliquée mettant en valeur un bronzage de salon couleur carotte; lui, chaussé de sandales blanches et vêtu d'un costume de lin blanc très légèrement jauni qui le fait ressembler à un disciple de Raël.

On fait connaissance avec nos voisins de table: des gens sympathiques et exquis.

Le service est impeccable, on se sent choyé.

Le café s'allonge, il est temps de quitter...

Café Viva, Ste-Adèle.



lundi 25 juillet 2011

De saveurs et de couleurs




Passage obligé à Montréal, après un weekend plus que bien rempli.

"On devrait arrêter au marché Jean-Talon."

Ma nonchalance dominicale me dicte plutôt de filer illico à la maison et lézarder sur la terrasse, verre de rosé en main, mais je ne peux qu'être conquis par la force de persuasion de l'Être Aimé, que je trouve vaguement hyperactif pour un dimanche après-midi post-caniculaire.

Faisant fi de cette indolence passagère, j'acquiesce tout de même avec enthousiasme, et c'est ainsi qu'après quelques zigonnages dans les rues de Montréal (dont un à contresens dans une rue à sens unique), on se retrouve au coeur du marché, véritable festival de couleurs, d'arômes et de saveurs.

Je suis immédiatement conquis par cette atmosphère de fête. Des mammas corpulentes au fort accent méditérranéen côtoient de belles africaines dont les vêtements colorés font écho aux étals multicolores des marchands. Une femme voilée portant une montagne de sacs jette un regard inquiet sur sa marmaille qui s'éparpille dangereusement, tandis que son compagnon (non voilé), semble étranger à la situation (tant au point de vue des sacs que de la marmaille).

Carottes, ail du Québec, bleuets sauvages de l'Abitibi, oranges, poivrons, radis, laitue, raisins, fines herbes, betteraves s'accumulent dans nos sacs, au rythme du pas décidé de l'Être Aimé qui me devance en arpentant scrupuleusement chaque allée "parce que faut rien manquer".

Mon oeil s'attarde sur les sucreries, les gelatos, les pâtisseries...

Rien à faire, cette semaine on va manger santé.

On s'extasie sur la beauté des fruits, la fraîcheur des légumes. On compare avec notre supermarché préféré, qui perd pas mal de plumes en l'espace de quelques minutes.

Ne reste qu'à paqueter les sacs dans le char, filer dans le nord et finalement le déguster, ce rosé sur la terrasse.

En planifiant les menus de la semaine, bien sûr.

Et ensuite, passer au supermarché local déchu, parce qu'on a oublié le parmesan.

mercredi 20 juillet 2011

Provence-en-Québec


-"As-tu oublié l'itinéraire?"

Bien sûr que je l'ai oublié. Je prends mon air le plus cool, et réponds d'un air détaché, avec une nonchalance étudiée:

"Euh...pas vraiment, je pensais que tu l'avais..."

Bon, on retourne.

Un quart d'heure et quelques kilomètres plus tard, l'Être Aimé me dicte le trajet, avec le débit précipité d'un GPS affolé:"tourne à droite, 2e stop à gauche, continue, passe l'église, tourne à gauche, non, l'autre gauche, tu te souviens on est allé cet hiver..."

Sauf que cet hiver, il y avait 15 pieds de neige et il faisait une nuit d'encre.

On finit quand même par y arriver, quelques minutes après nos amis Nath et Phil.

Nichée dans la campagne laurentienne, la maison est avantageusement cachée de la petite route sinueuse, et dès le premier coup d'oeil, on se sent transporté dans un ravissant coin de Provence. On est ailleurs et on aime.

Pas mal, après 20 minutes de trajet.

Nos hôtes et leur chien Camelot nous accueillent avec de grands signes (nos hôtes) et des jappements (le chien). Nos gougounes crissent sur le petit gravier, et on les rejoint tranquillement (les hôtes, pas les gougounes) pour l'apéro dans la cour arrière, près de la piscine. Le décor est franchement beau, et--- j'insiste--- on se sent vraiment au pays de Pagnol.

Franche, vivante et volubile, Flo me montre son jardin, qu'elle a façonné d'une main experte, et m'explique comment conserver la lavande d'une année à l'autre, comment extraire une teinture-mère, l'abc du compagnonnage dans un potager...

Étonnante, cette Flo.

Les conversations sont joyeuses et épousent la légèreté de l'air. Les rires fusent. La soirée avance au rythme des bouteilles qui se vident (pas tant que ça, quand même), et du soleil qui termine son marathon quotidien.

Au moment où les moustiques nous confondent (qui sait?) avec les grillades, on déménage dans la cuisine d'été attenante à la piscine, que le maître des lieux a construit de ses propres mains. Habile artisan, il a patiemment donné à son home la patine d'une villa centenaire. On sent l'âme des lieux dans chaque petit détail.

La soirée avance, demain est presque là.

On rentre à la maison.

Sans besoin d'itinéraire.

(Ha oui! J'ai oublié la can de sirop d'érable bio généreusement offerte par nos hôtes, échappée par terre et cabossée par l'Être Aimé qui en examinait l'étiquette).

lundi 18 juillet 2011

Weekend


Acte I

Samedi matin 10h45. Bagages empilés dans la voiture dont la température avoisine celle d'un four crématoire. Départ en chapeaux de roue digne d'un road movie, dans la poussière d'une journée caniculaire. L'allemande boulimique avale le bitume et les kilomètres.

Halte routière qui fourmille de quebeckers bedonnants en mal de poutine et de hotdogs steamés. On avale en vitesse le divin junkfood, sur une table à pique-nique échouée entre un parking et un champ de patates, au milieu de nowhere.

Acte II

L'horizon est spectaculaire, lac cristallin dans un écrin de collines verdoyantes.

Moment star trek. On est projetés dans un paysage de fin du monde, cernés par d'inquiétantes montagnes de cendre, vestiges d'une catastrophe minière banalisée.

Destination: motel déglingué, star déchue des années '50 qui fait piteusement miroiter ses charmes de Stella Spotlight.

Acte III

Réunion familiale: un kaléidoscope de rires, de pleurs, d'émotions, de retrouvailles, d'accolades, de musique, de chaleur, d'amitié. De petits groupes se forment, se fragmentent, au fil d'anecdotes et de bonheurs partagés. Fin de soirée, adieux brefs, tendresses, chacun retourne dans sa vie.

Acte IV

Dimanche matin. On repasse le film à l'envers, à quelques variantes près. On retrouve la ville figée dans la chaleur intense de l'après-midi. Moment urbain, presqu'européen sur la terrasse familière de la pizzeria chic du quartier connu.

Fin de l'intermède urbain.

La maison nous attend, fraîche, accueillante, ouverte sur la nature.

Bonne nuit.















samedi 16 juillet 2011

Lunch impromptu


Un lunch qui se prolonge doucement sur la terrasse, donnant l'impression d'être au sommet d'un arbre au coeur de la forêt. Le soleil de juillet qui éclaire deux amis retrouvés.

Elle semble avoir traversé la vie dans une élégante facilité, mais on perçoit la vulnérabilité sous la beauté presqu'irréelle. La force intérieure derrière le regard de velours. La blessure derrière le rire cristallin.

Il la regarde avec tendresse, et chaque regard est riche de mille souvenirs, de complicités retrouvées. Elle le regarde, étonnée de le retrouver dans la splendeur de sa maturité. Sa main solide caresse son bras, et il se veut rassurant, protecteur. On la sent fragile, émue. C'est beau.

Ils retrouvent la trame d'une vie cassée, entre le rosé et le café.

Un instant de musique, et je sens leurs yeux qui brillent, leurs âmes qui dansent au fil d'une mélodie.

Ils repartent dans la moiteur d'une fin d'après-midi, laissant derrière eux l'empreinte de deux êtres à jamais transformés.


jeudi 14 juillet 2011

Doulce France...


Chaque fois c'est le début d'une aventure fascinante...

Partir au coucher du soleil, vivre l'aurore au beau milieu de la nuit, et découvrir du haut des airs la campagne française qui s'éveille doucement, me retrouver Place de l'Étoile, humer un matin parisien, le cerveau embrumé et l'esprit décalé...

Goûter ces premiers instants en sol français.

Tantôt jeune étudiant en stage d'été à Saint-Germain-en-Laye, quelquefois touriste en Provence, voyages-éclair à Paris, j'ai eu la chance de pouvoir tomber en amour avec ce pays magnifique où tant me reste encore à découvrir...

...Marcher les marchés, humer le pain, arrêter au gré des cafés, écouter le contrepoint incessant des conversations...

...Une abbaye, un champ de lavande, un village aux rues sinueuses où il fait bon se perdre...

La France, c'est observer en cinémascope le présent et le passé entrer en collision, dans un diamant aux facettes infinies...

Bonne Fête les Français!


dimanche 10 juillet 2011

Matin d'été


La nuit a été fraîche. Les ombres de la forêt se sont dissipées dans une brume matinale, chassées poliment par un soleil de juillet qui s'impose.

Café fraîchement moulu qui répand son arôme en contrepoint avec le parfum de la nature qui s'éveille, en filigrane avec le chant des oiseaux...

Bruissement léger des feuilles qui oscillent timidement dans la lumière naissante, souffle d'air qui s'invite par la porte entrouverte...Un rayon de lumière s'infiltre, éclaboussant deux coupes de vin abandonnées la veille sur la table, souvenirs d'une conversation nocturne...

Dans quelques heures ce sera le zénith, la chaleur reprendra ses droits, la maison bourdonnera d'activité.

Instant de bonheur dominical saisi à l'aube d'un matin d'été...

Bon dimanche!

vendredi 8 juillet 2011

Responsabilité...

Dans le débat d’idée (et d’émotions…) très vif qui entoure le verdict de non-responsabilité criminelle de Guy Turcotte, je remarque deux tendances : l’une composée d’individus qui diabolisent les jurés et le système judiciaire en général, et l’autre de gens qui respectent le jury qui a « fait son travail à la lumière des preuves et des faits présentés. »

Je n’étais pas présent au procès.

Je ne suis pas un spécialiste du droit ni un expert en santé mentaie.

Je ne connais pas tous les faits.

Mais je ne comprends pas le verdict.

Je peux certainement comprendre qu’il ait été dicté par des faits, mais aussi par des opinions (très polarisées…) d’experts en santé mentale, et aussi par une façon certainement très habile par la défense de présenter des faits. Les plus grands avocats sont d’habiles vendeurs et manipulateurs de foules, et leur habileté à manier le verbe peut influencer un jury à voir blanc, ou à voir noir. Presque tout est dans la dialectique.

…Rien n’est tout blanc ou tout noir, et il y a toujours des zones pouvant porter à interprétation, comme dans le cas de la maladie mentale. Ce que je m’explique mal, c’est l’élasticité de la notion de responsabilité.

Un conducteur en état d’ébriété qui tue quelqu’un est-il responsable du fait que son système nerveux ne répondait pas adéquatement au moment du drame?

Oui.

Un adulte surveille un enfant près d’une piscine, a une distraction et l’enfant se noie. Est-il responsable?

Oui.

Cet homme qui a tué ses deux enfants est-il responsable? Je le pense. Responsable de leur mort, parce que responsable de n'avoir pas su endiguer l’enchaînement des événements qui ont mené à ce drame. Oui, quelque chose a basculé dans le cerveau de cet homme. C’est indéniable. Mais cela n'enlève rien à la notion de responsabilité.

Je termine ce billet en citant Isabelle Gaston :

« …les adultes n'ont pas de droit de vie ou de mort sur les enfants. Ils n'ont pas le droit à une quelconque violence. Et ce, peu importe les conflits et les tourments qu'ils pourraient eux-mêmes avoir dans leur vie. »