dimanche 4 mars 2012

L'expression de soi

Ils avaient entre onze et quatorze ans. Une quarantaine de jeunes pianistes, la plupart dans leur uniforme scolaire, dépouillés de tout artifice. 

À travers une courte Sonate de Domenico Scarlatti, ils ont profondément touché mon âme. La concentration pure de l'effort et du don de soi donnait à leur visage une beauté presque surréelle, poignante. 

Ils ont capté l'essence même de l'art, la vraie nature de la musique, jusque dans l'imperfection de leur jeu.

On dit souvent d'eux qu'ils jouent sans émotion, qu'ils ne ressentent pas la musique occidentale.

"On nous apprend très jeunes qu'il ne faut jamais montrer nos émotions", m'avait glissé quelques jours auparavant mon assistante Jessica, une jolie femme aux cheveux de jais.

Ce moment de grâce me laisse plutôt croire que c'est en transcendant l'émotion que l'on arrive le mieux à exprimer la musique. 

Sans la barrière de l'ego.

J'ai passé depuis longtemps l'âge des certitudes. Je doute souvent.

Mais ce soir-là, la magie palpable a touché mon âme, a mouillé mes yeux et m'a fait réaliser que d'un côté ou de l'autre de la planète, on est tous pareils.

Aussi uniques les uns que les autres.

Il y a des moments qui nous font sentir privilégiés d'être en vie.