La journée avait été
passablement longue.
Louis et moi, on a avalé 700
kilomètres, quelques cafés tièdes et une foule de merdes en moins de 12 heures.
Il est largement passé
minuit, et le skyline de Montréal
vu du pont Champlain promet un retour
à la maison dans moins d’une heure.
Comme un flash, un texto
aussi bref qu’imprévisible informe Louis qu’une vieille amie vit ses derniers
instants dans un hôpital de Montréal, dans la solitude et la détresse la plus
absolue.
Hasard ou pas, on n’est pas
bien loin.
L’itinéraire prévu vers la
maison bifurque et s’arrête dans une minuscule chambre d’hôpital. La lumière
est brunâtre et donne à la pièce une allure de prison nazie. Un rideau vert
sépare deux agonisantes qui partagent cet espace froid et stérile.
Recroquevillée, G. respire
péniblement sous une mince couverture de flanelle qui peine à recouvrir son
corps en train de s’effacer.
Son souffle est court et
irrégulier. De temps en temps, un râle s’échappe, comme un coup de klaxon avant
le crash final.
Je prends doucement la main
de mon amour, et la glisse dans la main de sa vieille amie. À travers nos
larmes, on la voit ouvrir doucement les yeux. Si doucement. Elle a de si beaux
yeux, la belle dame.
Peut-être qu’elle aimerait
entendre de la musique. C’était ça, sa vie.
Bach, Debussy, Henri Salvador,
Frida Boccara, Mozart s’échappent de nos iPhone simplement posés sur son oreiller.
Puis, sa chanson. Celle qu’elle a écrite il y a un peu moins de deux ans... Pianissimo,
pianissimo…Un hymne à sa fin de vie,
une mélodie simple et déchirante dans cette nuit irréelle. Que c’est beau!
Une fois, je lui prends la
main, je lui caresse doucement la tête. Une bouffée d’énergie traverse mon
corps, je me sens enveloppé d’un amour tellement grand, tellement absolu que j’en
suis presque effrayé. Je regarde mon amour, il comprend tout. Il fait partie de
ce tout.
Merci, belle et noble dame.
Cette nuit-là, vous m’avez donné un cadeau inestimable. Une leçon d’amour et
d’humilité. Vous aurez enseigné jusqu’au bout de votre vie.
Quelques heures plus tard,
elle a cessé d’exister.
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